vendredi 30 avril 2010

Triangle des bermudes


30 avril, 1h30 UTC-4, 26°30N 65°21W

Voici le début du 5ème jour de mer. Bien calme. Les 530 miles parcourus depuis le départ paraissent bien peu à côté du changement de climat. La température descend chaque jour sensiblement, fini les claquettes, mets tes chaussettes. On ressort les bottes dans lesquelles on retrouve une paire de chaussettes datant sûrement de la dernière transat', on remet une polaire oubliée depuis 6 mois lors du dernier voyage en métropole et une tasse de thé dans une main, un bout de cake dans l'autre on sent bien qu'on rentre à la maison.
L'inévitable devait arriver. Nous avons fait varier le cap du 30° au 90° en fonction du vent faisant ainsi marcher le bateau au mieux de ses capacités. Mais, par ici, une semaine sans un anticyclone qui passe, c'est bien rare. En voici un beau, et c'est que si on veut arriver un jour, il va bien falloir passer de l'autre côté. Alors la risée diesel souffle
depuis le début de la nuit poussant Katanka à peine à 4 nds contre un petit vent froid de nord. D'après la météo, on en a pour 3 jours de vibrations Perkins dans les oreilles. Si seulement on pouvait écouter de la musique, mais non, rien à faire on n'entend rien. Enfin au moins il nous fait du chauffage.
Mais après, à nous la grande houle de l'océan, le vent, les miles avalés (et les vagues dans la gueule, le café sur les genoux, le nez dans la sauce tomate, le coude sur le winch, la tête dans le capot de descente...) Ahhhhhhhhhhhhhhhh rien que d'y penser j'en oublie le bruit du moteur!
Pour situer nous sommes à 350 miles au sud des Bermudes (pour ceux qui savent où sont les Bermudes), enfin faut dire que ya pas trop de points de repère par ici, faut connaître, ya pas un panneau, même pas un troquet pour demander son chemin... Et heureusement qu'on avait prévu tout ce qui faut!
Hé tiens, je viens de m'affaler la grand-voile qui ne portait plus rien et ne faisait que claquer en suivant le peu de houle qui reste, quelle tristesse...

Et bah c'est ça le triangle des Bermudes??? Et moi qui croyais voir le compas tourner en continu et des trucs qui sortent de l'eau et tout ça... Nan, rien! Z'ont une de ces imaginations les mecs qui font les bouquins! C'est sûr ils sont jamais venus là parce que sinon leurs histoires ça aurait plus ressemblé à du Proust genre en accéléré:
"Et le bâtiment de la flotte du Roi Robert deux et deux font quatre et quatre font huit et huit font seize,
voguait sur la mer limpide et fluide d'un bleu indigo dont le ciel semblait s'inspirer,
sans une ride ni une vague, sans le moindre mouvement.
Parfois un oiseau égaré venait prendre un peu de repos en haut de l'artimon
puis reprenait son envol aussi discrètement qu'il s'était posé.
Les marins qui n'avaient rien à faire,
depuis trois semaines que le vent n'avait fait flotter un pavillon du bord,
avaient eu l'idée de cette chorale qu'ils nommèrent Les Goélands.
La nièce du Roi, qui accompagnait le voyage,
se plaçait sur le bout dehors faisant refléter sa silhouette sur l'océan
et accompagnait ces messieurs de sa voie de soprane..."

Et bah on en est loin des pirates borgnes et unijambistes dont les bateaux se faisaient avaler par des monstres marins!

Julien, Bernard et Bruno.

mardi 27 avril 2010

Départ de transat retour pour KATANKA et son équipage

27 avril 1h35 UTC-4,
23°53N 70°39W deuxième nuit de mer,
200 miles depuis le départ.

On est parti dimanche à 18h comme des flèches. Bernard est arrivé après bien des galères et bien décidé à battre le record du temps le plus court passé dans un pays, moins de 3 heures... Quant à Bruno et moi, une semaine entière à attendre avec rien à faire c'était pas bien marrant non plus...
Bref on est partis et c'est ça l'essentiel. La météo semblait fiable les premières 24h, portant 13nds, Katanka filait autour de 6,5 nds, que du bonheur. Ça devait durer au moins 3 jours mais bon c'était trop beau... Le vent a molli dans la journée laissant place à la risée diesel, puis il est passé nord ce soir, genre 7 nds dans le nez ce qui veut dire au moteur et en plus pas vite...
Le moral de l'équipage est bon quand même, les boyaux se mettent en place, on prend le rythme des quarts de nuit, la visite des dauphins, on déguste les cakes et on refait le monde, normal quoi!

Des bises à tout le monde

Julien, Bruno et Bernard.
Et, pendant ce temps, Ludi et pépette regardent la neige tomber a Montreal alors qu'hier il faisait presque 20 degres! Tabernacle...

samedi 17 avril 2010

TURKS ET CAICOS

Changement de décor radical, après une navigation de plus de 150 miles, nous atteignons la pointe Est de Providenciales, une des principale île des Turks et caicos.


Nous tombons sur une marina flambant neuve, le deck est superbe, il y a des bornes d’eau et d’électricité sauf qu’il n’y a PERSONNE! Encore une fois, “y’a rien là”, pas un bateau, pas un yacht. On s’amarre là où l’on veut et à terre il y a une boutique qui organise des sorties kayaks dans la mangrove (parc naturel)! On rencontre Alizée, franco-écossaise née aux Turks, elle nous explique en 2 mots que “oui, c’est l’anarchie totale ici, on ne produit rien, on importe tout, c’est un paradis fiscal en decomposition, des hotels grands luxes, vides ou Presque, cause? La recession, la crise américaine, le cyclone anna il y a deux ans…”bref, nous voici sur une île qui, fut un temps, était magnifique et où il faisait bon y vivre, mais aujourd’hui, c’est une sorte de légo géant pas fini!

Le lendemain, on trouve une autre marina, entrée par le lagon hallucinante, Katanka sert les fesses (ou les bouchins) pour rentrer, un dauphin nous montre la route, il ne nous lâchera pas jusqu'a ce que l'on soit amarrés! Ici au moins y’a des gens et un peu de vie, un peu...


Après deux jours à arpenter en voiture l’île de long en large, et à s’interroger sur le pourquoi de tous ces panneaux “for sold”, on se rentre à la marina et voilà Presque une semaine de stagnation totale pour la Katanka team.

En ce qui concerne l’équipage, certains partent et d’autres arrivent, enfin on va essayer car le volcan islandais vient metre son grain de cendres dans notre programme:

Jean est parti jeudi sur st domingue pour prendre un vol vers Paris vendredi aujourd’hui mais râté, il est bloqué en Rep dom…
Donc forcément idem pour Bernard, le beau-papa de Jules, 3è équipier pour la transat, il devait arriver samedi soir mais pour l’instant il est bloqué à Paris…
Moi je décolle dimanche matin pour montreal, ça devrait le faire…
Et puis y’a la météo, une belle fenêtre de sortie se présentait pour dimanche mais sans Bernard, on attend, sinon, on cogite à partir sur les Bermudes…à suivre!

ILS VOLCANS LES AVIONS...

jeudi 15 avril 2010

De la baie de Henne à l'île de la Tortue

Salut à tous,
désolé de ne pas avoir donné plus de nouvelles mais nous avons évidemment une bonne excuse: à chaque fois que l'on prend la mer ici, le vent est là où l'on veut se rendre, donc de la baie de henne à Mole st nicholas, c'est encore nord-est! étant au prés en permanence, j'ai plus gardé mon énergie à me tenir qu'à écrire! et la wifi en haïti...bref,

nous en étions donc à la Baie de Henne, escale imprévue mais très accueillante et locale surtout, des voiliers de voyage les villageois de cette vallée n'en ont jamais vu ou presque. Par contre pour le ravitaillement du bord en pain, fruits et légumes c'est râté, comme dirait Bruno "Y'a rien là"! On passe une nuit calme et avant de repartir, on se rend jusqu'à l'école car la veille Jules et Jean ont rencontrés Jibson, professeur au village. Le bâtiment compte environ 6 classes, c'est spartiate mais les enfants, de tout âge, sont bien présents, en uniforme, à peine un tableau, des tables et des chaises et une feuille chacun devant eux. Nous qui pensions être un peu court avec nos 20 cahiers...on est large!

L'heure est encore au départ, milieu de matinée, on quitte cette jolie baie pour rejoindre Mole st Nicholas, il paraît que c'est venté là-bas...ça nous changera tiens!
Environ 5 heures de moteur à longer la côte face au vent ou presque et nous mouillons à 2 mètres d'un massif coralien Majestueux, nous sommes dans un aquarium, nos yeux sont grands ouverts dans nos masques, Incroyable, Magique! Merci la nature.

Et puis là-bas à 100m en annexe, derrière un ou deux cocotiers, on découvre la paillote flambant neuve de Julien et Fred, 2 français, expatriés depuis plusieurs années, tombés en amour pour ce pays et suffisammemnt "frappa-dingue" pour venir s'installer dans le trou du C-- de ce monde! Super accueil, ils ont fait venir les matériaux pour monter ce bar restau et l'on y trouve même du ricard! ,
Pour la bouffe, c'est julien qui s'y colle et c'est excellent et bon marché, la touche du chef c'est le café, en gros ça vaut le détour. Les gars se mettent une demie et nous rentrons nous coucher émerveillés par ce pays, cette baie, ces rencontres simples.

5h du matin, on repart...cap plein Est sur l'île de la Tortue, ancien repère de

pirates et aujourd'hui base de départ des Boat-people pour les turks, Nassau voir Miami.
De nouveau, on croise la route des coast-guards qui depuis le séisme arpentent la côte de long en large. Il semble que notre navire ne les intéresse pas, tant mieux, car une fouille en pleine mer, on est pas d'attaque. En arrivant à l'île de la Tortue, à la Vallée, c'est le même rituel, les pirogues viennent immédiatement vers nous pour nous proposer du poisson, des mangues, du service. Ici non plus "y'a rien là", les voiliers locaux font la navette entre l'île et port de Paix. Les gars vont à terre pour poursuivre leur enquête sur les boat-people, un bateau est parti il y a 4 jours, pas de chance...Mais les gens parlent facilement, ils confirment que chaque semaine, des bateaux partent.

jeudi 8 avril 2010

Record!...



Mercredi 7 avril:
Ha!ha!ha!
Que dire de plus plus? Nous venons de battre le record de "comment mettre un temps maximum pour rallier un point A au point B"!!! Deux jours et demi à se battre avec les éléments pour arriver dans une baie au sud de la pointe nord-ouest, Baie de Henne. Nous sommes partis de l'île à Vache sous régime moteur: lorsque l'on passe la pointe des Irois, on commence à toucher le vent de face et la mer se lève un peu, on est vite à deux ris dans la grande. Et puis un troisième, voilà le moment de tester notre voile d'avant l'inter. Le problème c'est que l'on vise le Nord est et que le vent EST au Nord-Est!! La mer est dégueulasse, courte, de 3 à 4 mètres de creux, au bout de 24h de nav., on se dit qu'on va lutter encore longtemps! Jamais vu Cuba d'aussi prêt, si on débride un peu on est à 20 miles de Guantanamo...bof comme escale. Allez on revire, à bord Jean est en lutte totale contre le mal de mer mais il prend sur lui, Bruno et Jules se relaient à la barre car le pilote n'a pas nos sens, moi je nourris mes hommes, enfin j'essaie car même en mettant mon gros ventre en avant, il est difficile de rester debout. Savez vous qu'en mer agitée, mettre un carré de bouillon magie dans une casserole peut prendre 3 minutes?! Je vous parle pas du vermicelle!! Bref, on a fini par se présenter à 3 heures du matin dans cet abri. Lorsque l'on a passé la pointe, le vent est passé de 30 Nds à 10! Ouf!
Ce soir, Djé, on se fait ton foie gras...enfin si on trouve du pain à terre, sinon ça sera biscotte!


L'île à Vache



Dimanche 4 avril:
Pas de nouvelles depuis 3 jours car nous étions tout simplement hors du temps, loin de tous ce que l'on connaît, loin des paysages déjà fabuleux de la Caraïbe, loin d'imaginer qu'un tel endroit sur terre existe: ici, à l'île à Vache, au sud d'Haïti, sur cet ancien repère de pirates.
Lorsque qu'on longe la côte par le sud en arrivant vendredi matin, on aperçoit aux jumelles des plages magnifiques, quelques petites cases éparses. On mouille à port Morgan qui se présente comme un bon trou à cyclone, 4 voiliers sont déjà mouillés. L'hôtel de Didier dont on nous a tant parlé est là à 50 brasses de nous mais n'imaginez pas le complexe avec piscine et tout le tintouin, juste quelques bungalows, bien intégrés dans la nature, discret. Internet ne fonctionne pas depuis 15 jours, peut-être n'est ce pas plus mal
Notre collecte représente 2 gros sacs à dos et des cabas, alors nous demandons aux locaux de nous trouver une barque à moteur pour nous mener jusqu'à l'orphelinat de Sœur Flora, à Dame Bernard. Après négociation (25 dollars us quand même), remplissage de la nourrice (1 gallon et demi de notre essence + mélange) et 45 min de navigation pour remonter la côte, nous mettons pied à terre dans ce village.

C'est le week-end de Pâques: à l'heure où l'on se présente, Sœur Flora participe à la cérémonie religieuse et porte la croix avec les locaux, prières et chants viennent troubler le calme de l'endroit.
Nous déposons nos affaires à Lionel Joseph qui nous fait visiter l'orphelinat, les enfants sont très accueillants, ils cherchent nos mains, nos bras, nos sourires; beaucoup d'entre eux sont handicapés, les "ti-moun pa bon" comme ils disent....

Jean et Jules reviendront demain samedi pour recueillir un témoignage de Sœur Flora.

Pour revenir au bateau, une longue marche nous attend... alors nous prenons le chemin.

Plus qu'une ballade, cette traversée à pied de l'île est un ravissement pour nos sens, pas un bruit de moteur, ni voiture, ni groupe électrogène, ni klaxon, les odeurs du charbon qui brûle en vue du repas du soir, les anses et baies qui se succèdent sont de toute beauté, et tous ces gens, affairés à ne rien faire, en communion totale avec la nature. Ici l'homme est en harmonie avec la Terre.
Évidement, ils manquent de tout mais cette misère là me semble plus acceptable qu'ailleurs...


L'anecdote:
Hier matin, les gars demandent au village si il y a des cérémonies vaudou organisées ce soir et où cela se passe? Un homme leur répond que "oui, il y a", "là-bas, dans cette maison là". "OK très bien, on viendra voir si c'est possible". Il répond "oui, bien sûr". Le soir venu, il fait nuit noire, on part avec nos frontales et on se dirige vers le son du tam-tam, au loin on aperçoit une bougie, une quinzaine de personnes, musiciens et danseurs sont autour, sous une paillasse qui fait office de toit. On se fait discrets, la grand-mère nous voit, nous sort 3 chaises, l'accueil est chaleureux, ils continuent de danser. Au bout d'une bonne heure, les moustiques ont raison de notre intérêt pour cette cérémonie et nous nous levons pour partir. Les gars voulaient s'éclipser, je leur dis que c'est mieux de prévenir la grand-mère de notre départ et de la remercier. Sauf que là elle me créolise dans les oreilles, "pourkoi merci, c'est pour vous cette cérémonie,... donne moin argent..." Aïe! on hallucine. Ils disent avoir organisé cette soirée uniquement pour nous. La musique s'arrête, les danseurs également, nous voici encerclés au niveau du portail à tenter d'expliquer à Karma qui parle français qu'il y a eu un gros malentendu...lui comprend, la plupart des gens comprennent mais la vieille, elle, ne veut pas comprendre..Après une longue explication, on finit par pouvoir partir, tous les invités nous suivent pour profiter de nos frontales pour rentrer.
Le lendemain matin, on apprend que la grand-mère est toujours folle furieuse de s'être fait avoir. Finalement...un simple malentendu.
Dimanche soir, 17H, on se prépare à prendre la mer pour rejoindre la pointe sud-ouest, vers Dame Marie, mais il paraît que ça craint un peu...des histoires et des rumeurs de pillages de voiliers, nous aviserons, car ce n'est pas dit que la météo nous permette l'escale.

dimanche 4 avril 2010

De la Rép. Dom. vers HAÏTI: JACMEL



Partis mardi midi de port Zar Par, nous mouillons après une belle navigation dans l'anse de JACMEL ce jeudi matin à l'aube. Jules est tout excité, son rêve de mouiller notre KATANKA en HAÏTI se réalise. Inutile de préciser que nous sommes le seul voilier aux alentours. D'ailleurs cela fait plusieurs heures déjà que nous n'avons croisé ni bouées, ni cargos, ni voiliers, toute forme de signe de navigation quel qu'il soitJean, après avoir lutté tout à fait dignement contre le mal de mer des novices, semble bien heureux de ramer sur notre dinghy pour rejoindre la terre ferme. Un soldat de la MINUSTHA (ONU) est au bout de la digue, va t-il nous jeter ou nous accueillir? "Hillo, howww arrre yyyou"? Super, accent difficile (parce que Sri Lankais...) mais accueil chaleureux, de suite 3 ou 4 haïtiens approchent dont Yves, qui sera notre guide pour la journée. On commence par les formalités d'entrée, hormis les moustiques, que du bonheur, on se fait même tamponner notre sortie pour dans 10 jours.

Il est à peine 9h du matin, nous allons déambuler dans cette ville sinistrée pendant quelques heures, les mêmes mots sonnent à nos oreilles: l'évènement du 12 janvier, les camps de réfugiés, la foi, Jésus...Évidemment le désespoir de la population est bien présent mais, en même temps, nous ressentons une sorte de force de vivre, on piétine pour avancer au cœur de la ville, le marché est un immense bordel organisé, ça piaille, ça klaxonne, les motos vont et viennent ainsi que les 4X4 qui appartiennent tous aux ONG. D'ailleurs, il n'y a pas beaucoup d'autres voitures, plutôt des antiquités.

Mais cette ville a du "bagout", elle nous parle, les construction et son architecture même sont magnifiques, on a l'impression que le temps s'est arrêté, et çà déjà bien avant le séisme.

L'association "brouettes en Haïti" a mené sa mission à terme car les Jacméliens viennent de recevoir des centaines de brouettes rouges, reste à les assembler et les voilà déjà au travail, à coups de masse! Pas de tracto-pelles ni engins mécaniques, 10 hommes s'acharnent sur le mur d'une maison écroulée, le temps et la patience feront avancer le chantier! Incroyable.


On avait pour mission de la part d'un ami de Jean, membre d'une ONG, de retrouver LA petite fille seule survivante des décombres de JACMEL, à peine âgée de 10 jours au moment de "l'évènement" et de donner de l'argent à la maman pour qu'elle puisse s'en occuper. Yves nous dit qu'il la connaît, que ce sont des amis; il nous y emmène immédiatement. Ça sera un bon prétexte pour qu'il nous accompagne pendant la journée. La maman est au marché, la grande sœur de 15 ans s'occupe du bébé. Elles sont terrées dans une petite pièce sur les hauteurs de la ville, 2 grands lits remplissent la pièce. A défaut de pouvoir aider tout un pays, commençons par une fillette...


Je laisse à Jules le soin de raconter cette fin de journée:

Drôle d'impression que de mouiller KATANKA en HAÏTI. Mais JACMEL a été une bonne première escale. C'est en effet un petit"îlot", un bout d'HAÏTI pas comme le reste, avec des rues goudronnées, pas de "hé blan" qui fusent toute la journée et pas de pots de colle qui te disent après 2 minutes de conversation qu'il sont "heureux d'avoir pu converser avec vous, parce que maintenant nous sommes amis; je m'appelle Jean Winston Louis Jacques junior, regardez ma carte, c'est pour vous première fois en HAÏTI? Ah journaliste pour quelle radio? Ah photographe mais pour quelle télévision?" avec un débit à s'en faire fumer la cervelle... Et oui évidemment les traces du séisme sont là, ici c'est bien moins dramatique qu'ailleurs, mais ça reste bien présent. Mais l'anecdote qui me marque, c'est Yves qui raconte que la Baie de JACMEL s'est vidée totalement pendant le séisme, que l'eau a tourbillonné en mer puis est revenue d'un seul coup. Je regardais notre KATANKA en écoutant cela, le voyant d'un seul coup beaucoup moins fort...
C'était aussi une bonne première approche d'HAÏTI pour Ludi et Bruno.!

Pour la fin de journée, une petite Prestige (la bière Haïtienne) sur la plage s'imposait. Nous déballons respectivement nos impressions de la journée. Et derrière nous un Canadien, look du touriste bof parfait: chemise à fleurs, chaussettes, baskets, est en train de parler et semble négocier avec des Haïtiens. Au premier abord on peut se dire que c'est un mec d'une ONG qui vient boire un coup en fin de journée. Mais quand il commence à tâter la cuisse de la jeune fille, on se dit que c'est pas ça. Alors on tend l'oreille, on comprend qu'il vient de négocier son temps de plaisir à 200 gourdes (4 euros). La jeune fille s'en va avec un "à tout à l'heure..." un air triste et ses 15 ans...
Le type retourne se chercher une bière, les yeux d'une brillance vicelarde. Écœurés, Jean et moi nous levons et allons vers lui. "Bonjour monsieur, nous sommes journalistes et réalisons un reportage sur le tourisme sexuel en HAÏTI, on peut vous poser quelques questions?" Et ce con nous répond "mais bien sûr asseyez vous"! Et ,pour résumer, c'est sa façon d'aider: il est en quelque sorte une petite ONG à lui tout seul puisqu'il a déjà laissé plus de 1000 dollars en HAÏTI. Il vient depuis plus de 15 ans et c'est en quelque sorte son deuxième pays. Alors il fallait qu'il vienne voir ça de ses propres yeux. Mais il est honnête et ne demande pas de crédit d'impôt pour ses actions... Bref à pendre par les tripes.

Le GPS annonce 14 miles restants pour la pointe sud-est de l'Ile à Vache. J'ai hâte d'y retourner. Le rêve du voyage en bateau, il vient de là, un soir allongé à l'avant de Grand Citron Vert.