dimanche 4 avril 2010

De la Rép. Dom. vers HAÏTI: JACMEL



Partis mardi midi de port Zar Par, nous mouillons après une belle navigation dans l'anse de JACMEL ce jeudi matin à l'aube. Jules est tout excité, son rêve de mouiller notre KATANKA en HAÏTI se réalise. Inutile de préciser que nous sommes le seul voilier aux alentours. D'ailleurs cela fait plusieurs heures déjà que nous n'avons croisé ni bouées, ni cargos, ni voiliers, toute forme de signe de navigation quel qu'il soitJean, après avoir lutté tout à fait dignement contre le mal de mer des novices, semble bien heureux de ramer sur notre dinghy pour rejoindre la terre ferme. Un soldat de la MINUSTHA (ONU) est au bout de la digue, va t-il nous jeter ou nous accueillir? "Hillo, howww arrre yyyou"? Super, accent difficile (parce que Sri Lankais...) mais accueil chaleureux, de suite 3 ou 4 haïtiens approchent dont Yves, qui sera notre guide pour la journée. On commence par les formalités d'entrée, hormis les moustiques, que du bonheur, on se fait même tamponner notre sortie pour dans 10 jours.

Il est à peine 9h du matin, nous allons déambuler dans cette ville sinistrée pendant quelques heures, les mêmes mots sonnent à nos oreilles: l'évènement du 12 janvier, les camps de réfugiés, la foi, Jésus...Évidemment le désespoir de la population est bien présent mais, en même temps, nous ressentons une sorte de force de vivre, on piétine pour avancer au cœur de la ville, le marché est un immense bordel organisé, ça piaille, ça klaxonne, les motos vont et viennent ainsi que les 4X4 qui appartiennent tous aux ONG. D'ailleurs, il n'y a pas beaucoup d'autres voitures, plutôt des antiquités.

Mais cette ville a du "bagout", elle nous parle, les construction et son architecture même sont magnifiques, on a l'impression que le temps s'est arrêté, et çà déjà bien avant le séisme.

L'association "brouettes en Haïti" a mené sa mission à terme car les Jacméliens viennent de recevoir des centaines de brouettes rouges, reste à les assembler et les voilà déjà au travail, à coups de masse! Pas de tracto-pelles ni engins mécaniques, 10 hommes s'acharnent sur le mur d'une maison écroulée, le temps et la patience feront avancer le chantier! Incroyable.


On avait pour mission de la part d'un ami de Jean, membre d'une ONG, de retrouver LA petite fille seule survivante des décombres de JACMEL, à peine âgée de 10 jours au moment de "l'évènement" et de donner de l'argent à la maman pour qu'elle puisse s'en occuper. Yves nous dit qu'il la connaît, que ce sont des amis; il nous y emmène immédiatement. Ça sera un bon prétexte pour qu'il nous accompagne pendant la journée. La maman est au marché, la grande sœur de 15 ans s'occupe du bébé. Elles sont terrées dans une petite pièce sur les hauteurs de la ville, 2 grands lits remplissent la pièce. A défaut de pouvoir aider tout un pays, commençons par une fillette...


Je laisse à Jules le soin de raconter cette fin de journée:

Drôle d'impression que de mouiller KATANKA en HAÏTI. Mais JACMEL a été une bonne première escale. C'est en effet un petit"îlot", un bout d'HAÏTI pas comme le reste, avec des rues goudronnées, pas de "hé blan" qui fusent toute la journée et pas de pots de colle qui te disent après 2 minutes de conversation qu'il sont "heureux d'avoir pu converser avec vous, parce que maintenant nous sommes amis; je m'appelle Jean Winston Louis Jacques junior, regardez ma carte, c'est pour vous première fois en HAÏTI? Ah journaliste pour quelle radio? Ah photographe mais pour quelle télévision?" avec un débit à s'en faire fumer la cervelle... Et oui évidemment les traces du séisme sont là, ici c'est bien moins dramatique qu'ailleurs, mais ça reste bien présent. Mais l'anecdote qui me marque, c'est Yves qui raconte que la Baie de JACMEL s'est vidée totalement pendant le séisme, que l'eau a tourbillonné en mer puis est revenue d'un seul coup. Je regardais notre KATANKA en écoutant cela, le voyant d'un seul coup beaucoup moins fort...
C'était aussi une bonne première approche d'HAÏTI pour Ludi et Bruno.!

Pour la fin de journée, une petite Prestige (la bière Haïtienne) sur la plage s'imposait. Nous déballons respectivement nos impressions de la journée. Et derrière nous un Canadien, look du touriste bof parfait: chemise à fleurs, chaussettes, baskets, est en train de parler et semble négocier avec des Haïtiens. Au premier abord on peut se dire que c'est un mec d'une ONG qui vient boire un coup en fin de journée. Mais quand il commence à tâter la cuisse de la jeune fille, on se dit que c'est pas ça. Alors on tend l'oreille, on comprend qu'il vient de négocier son temps de plaisir à 200 gourdes (4 euros). La jeune fille s'en va avec un "à tout à l'heure..." un air triste et ses 15 ans...
Le type retourne se chercher une bière, les yeux d'une brillance vicelarde. Écœurés, Jean et moi nous levons et allons vers lui. "Bonjour monsieur, nous sommes journalistes et réalisons un reportage sur le tourisme sexuel en HAÏTI, on peut vous poser quelques questions?" Et ce con nous répond "mais bien sûr asseyez vous"! Et ,pour résumer, c'est sa façon d'aider: il est en quelque sorte une petite ONG à lui tout seul puisqu'il a déjà laissé plus de 1000 dollars en HAÏTI. Il vient depuis plus de 15 ans et c'est en quelque sorte son deuxième pays. Alors il fallait qu'il vienne voir ça de ses propres yeux. Mais il est honnête et ne demande pas de crédit d'impôt pour ses actions... Bref à pendre par les tripes.

Le GPS annonce 14 miles restants pour la pointe sud-est de l'Ile à Vache. J'ai hâte d'y retourner. Le rêve du voyage en bateau, il vient de là, un soir allongé à l'avant de Grand Citron Vert.

2 commentaires:

sofu branchi a dit…

yes!!!!sympa vos premieres impressions!!!!continuez de nous faire rêver grâce à votre blog!!!biz à la katanka team

Manou isabelle a dit…

Bisou à tous les 4 ( Ludi,Jules; la pitchounette et votre vaillant vaisseau !!!!)
Que d'émotions dans votre approche d'Haïti. Entre le rêve et le cauchemard, difficile de rester intact!!