mercredi 19 mai 2010

En Escale aux Açores



19 mai, 18h, Horta

21 jours et 12 heures, 2750 miles et 5,3 nds de moyenne. Ça fait trois semaines entières sans voir un bout de caillou. Alors l'escale elle est bien bonne!
On est arrivés au petit matin hier, avec un ciel plus que bas et des rafales à 30 nds dans le port. On nous fait signe de mouiller en attendant l'ouverture de la capitainerie. Un bateau voisin arrivé en même temps que nous est passé me prendre en annexe pour aller faire les formalités. On nous a attribué une place de port. "En acier?" me dit le marin de la capitainerie, "alors tout au fond..." (cqfd là où vous risquez pas d'en écraser un). Et pourtant, on bien failli allonger l'escale du temps de réparation d'un catamaran, pour coque perforée par une corne de bison... Un cata réformé de l'UCPA de Guadeloupe, avec une bande de branquignoles à bord qui ne semblaient pas avoir compris qu'ils avaient deux moteurs, une barre et surtout une marche arrière... Bref ils sont pas passés loin du naufrage dans la marina!

Katanka à quai, amarré, à couple de Antartica, un gros voilier, en acier aussi, un monstre taillé pour les mers du sud. On apprend qu'ils partent dans une heure, fait chier il va falloir refaire une manœuvre avec ce vent, pas gagné dans un espace si petit. En fait non, ils ne partiront pas. Ils ont peur parce qu'il y a trop de vent... Ils arrivent d'Antigua, vont sur les Baléares et ce magnifique bateau de grand voyage ne verra jamais plus un glaçon ou un vent de plus de 25 nœuds, c'est comme les 4X4 à Paris, un non sens. D'ailleurs un jour et demi après il n'a toujours pas bougé. Il y a trop de monde au ponton gasoil. Trop compliqué de faire la manœuvre...
En face du bateau, les douches! La dernière datait d'un mois, celle d'avant de deux... Mais celle-ci était chaude! Alors je vous laisse imaginer qu'elle était bonne!
Et puis c'était l'heure de manger, direction le café sport, chez Peter. C'est le repaire des marins en escale. En fait il n'y a que des marins, pas un autochtone. Les gens qui sont là viennent tous de traverser l'Atlantique et ont tous le même fantasme du gros steak et d'une bonne bière. Ils ont tous envie de rencontrer d'autres gens que les deux ou trois personnes avec lesquelles ils viennent de partager 10m2 pendant trois semaines, si sympas soient-elles! Ils sont là depuis un jour ou deux et partent dans guerre plus de temps. Toutes les chaises ont une veste de quart suspendue, les visages sont tirés, un peu rougeauds des effets du sel. Et tous partagent la même envie de passer une bonne soirée, un peu excessive. Alors on se raconte comment on a vécu les jours de baston. Certains arrivaient d'assez sud et ne semblaient pas avoir trop souffert. Mais dans l'ensemble tout le monde s'accordait à dire que c'était pas drôle. La palme d'or revient tout de même à un suisse, équipier avec son père sur un bateau d'amis: (avec l'accent suisse)"Nous on est des marins d'eau douce, on est pas habitués à ça! Quand j'étais à la barre à me prendre la mer sur la tête, je me disais mais qu'est ce que je fous là... C'est vrai, tu verras jamais ça sur le Lac Leman!"

Et pendant que le Suisse me déversait tout son stress des derniers jours, j'entends un grosse voix qui crie "Julien, nom de dieu Julien"! Et voilà, Thomas, le broker qui nous a vendu Katanka en Martinique. Alors on boit des verres on se raconte ce qui s'est passé pour nous depuis un an et demi. Moi j'ai retapé le bateau, lui il fait maintenant du convoyage. Deux heures du matin, le bar ferme. Alors je suis Thomas et toute une bande de marins un peu ivres. On va finir la soirée sur le bateau qu'il convoie, le sailing yacht de 33m tout en carbone d'un milliardaire Turc. Belle machine. 5 membres d'équipage en permanence. En méditerranée l'été, aux Antilles, aux Galapagos ou aux San Blas l'hiver. Un petit caprice à 10 millions d'euros...
La soirée se terminera à six heures du matin, 24 heures après l'entrée de Katanka dans le port.
C'est toujours comme ça une première soirée aux Açores.

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